Ma mémoire me ramène à l’école primaire en classe de CE2. J’avais sept ans.
L’école représentait un lieu important. Poésie, lecture, écriture me convenaient,
tandis que calculs mentaux et divisions
n’entraient pas dans mon schéma de compréhension. Malgré le nombre important
d’élèves, j’étais seule. Mais cela ne me pesait pas. Toujours en retrait, je
les regardais s’animer dans la cour. Parfois, je participais à leurs jeux. Je
n’étais pas triste, car cela m’était indifférent. Je ne recherchais pas
particulièrement leur compagnie.
L’après-midi était allégé par des moments créatifs à notre
libre choix, dessin, mosaïque, collage, etc.
Je me rappelle très bien de deux dessins en particulier.
L’un représentant des avions de guerres lâchant des bombes au-dessus d’une
rivière et le deuxième impliquant une cave en pierres représentée à l’encre de
chine. N’est-il pas curieux pour une enfant de sept ans de dessiner cela ?
Aujourd’hui, les institutions convoqueraient les parents pour évaluer le
« problème ». A mon époque, non.
Très présents dans ma mémoire, je les visualise tels qu’ils
étaient, la couleur grise des avions, la rivière bleue foncée et sinueuse,
l’herbe verte, le ciel blanc (blanc de la feuille). Pas d’arbres, aucune silhouette.
Les avions et la nature seulement.
Concernant la cave, une marche représentait l’entrée de
celle-ci. Une voute surmontait l’entrée et des pierres composaient les murs. Accrochées
sur le mur du fond, des poêles ainsi que des outils de jardin et leur manche.
Des bouteilles posées à même le sol. Pour le reste, c’est plutôt vague.
Quelques années plus tard, un thérapeute donnera une
explication inattendue à mes dessins.
Lors de notre rencontre, une question me vient à l’esprit. Avons-nous déjà vécu
ensemble avec mon conjoint ? Je ressentais cette possibilité en moi du
fait de ce lien très fort entre nous.
Cet homme (sans le savoir) va bouleverser nos émotions.
Prenant mon poignet au niveau du pouls, une vie passée est donnée.
Effectivement nous avons partagé un bout de vie ensemble. L’Italie était notre
pays de naissance et notre amour a fleuri jusqu’à ce que le contexte politique
de l’époque vienne mettre un terme à nos projets ainsi qu’à des milliers
d’inconnus.
Mon compagnon, alors soldat, combattra aux abords de la
rivière Piave. Mortellement blessé, il sera transporté vers un hôpital dans
lequel j’officiais en tant qu’infirmière. Il décédera dans mes bras. Issus tous
les deux du même village, nous étions heureux et amoureux. A la fin de la
guerre, je retournerai chez nous. Mon désespoir mettra fin à ma vie. Nous
avions vingt-deux ans.
Curieusement dans notre vie actuelle, le schéma de notre
ancienne incarnation se profile. Nos familles respectives déménageront dans le
même village à un mois d’intervalle permettant ainsi notre rencontre. A vingt-deux
ans, nous unirons nos vies, permettant ainsi de continuer ce qui a été stoppé
précédemment. Nos trois enfants viendront compléter ce cadre familial.
Finalement notre incarnation actuelle permet une reconstruction familiale.
Combien de fois ai-je
entendu : « Vous êtes d’origine italienne ? »
Très souvent, lors de rêves, la notion d’abandon par mon compagnon se présentait accompagnée d’ une souffrance incontrôlable. Cette blessure disparaîtra avec le temps grâce à un travail personnel.
Les documentaires, films, livres couvrant la période de
14/18 ne me laissent jamais indifférente. Bien sûr, des recherches ont permis
d’assoir la véracité des faits concernant la rivière Piave. Quel choc de lire
le détail de cette bataille. Parallèlement à ce lieu, l’Italie n’apparait pas
sur notre liste de voyages. Certainement un rejet inconscient de notre part.
Certains penseront fabulation et impossibilité de se
remémorer de tels moments. Prenez le temps de vous poser et faites appel à
votre mémoire. Vous pourriez être surpris ou surprise.
A bientôt.